Louisa Taos Azzouz
36: l’Ambassade

Bienvenue dans l’avènement d’un nouvel État, Le 36, un territoire au centre de la Courneuve (France) où les femmes aux origines nord-africaines brisent les chaînes des représentations sexistes et racistes héritées de la colonisation qui imprègnent l’imaginaire collectif occidental. Un espace dépourvu de frontières physiques, où les regards sont façonnés par des femmes, où ni la musique de Julien Clerc, «Mélissa», ni la photographie «Jeune femme algérienne» d’Alexandre Leroux n’ont leurs places. Entrez dans un espace où les femmes racisées se présentent comme des figures fortes et puissantes, s’affranchissant des stéréotypes dégradants. Elles revendiquent avec audace leur indépendance et leur légitimité dans l’espace privé et public et rejettent ainsi les regards biaisés des hommes qui jusqu’à présent ont dicté la grande comme la petite histoire.
À travers cette série, ces femmes ne sont plus simplement des sujets photographiés ; elles sont les protagonistes d’une histoire qu’elles écrivent avec leurs regards, leurs gestes, et leurs expressions. C’est une célébration de l’autodétermination, une affirmation de leur place dans le tissu social, politique et culturel. Telle la narration d’un film ou d’un roman, ce projet documente une société matriarcale fictive, inspirée de récits familiaux. Il contribue à redéfinir la représentation de ces femmes, les érigeant en actrices engagées dans la construction de leur propre histoire. Les images suggèrent un récit fragmenté, laissant aux spectateurices l’espace nécessaire pour s’approprier les ellipses entre chaque plan et y inscrire leur propre récit. Chaque image de la série réagit à des événements d’actualité, à des références historiques, et artistiques spécifiques. Elle questionne le regard que l’on pose sur les choses : « Élever des étoiles dans l’ombre du flash-ball » répond à l’assassinat de Nahel (Paris), à celui de George Floyd (Minneapolis), ou encore à celui de Mike Ben Peter (Lausanne) et questionne : Que doit-on dire à nos filles quand leurs frères, leurs pères ou leurs hommes périssent sous les coups de la police ? Ce récit visuel dépasse les limites du quotidien, les images résonnent comme un écho des luttes passées et des aspirations futures. En documentant une société matriarcale fictive, la série 36 : L’Ambassade, érige ces femmes en héroïnes contemporaines, fortes et déterminées, échappant ainsi aux carcans imposés par les stéréotypes de genre, de classe et de race.

Louisa Taos Azzouz vit et travaille à Genève. Diplômée en photographie du Centre d’enseignement professionnel de Vevey (CEPV) en 2024, elle poursuit actuellement un cursus en arts visuels à la Haute école d’art et de design de Genève (HEAD). À travers une pratique mêlant photographie, vidéo et installation, elle cherche à développer un travail situé entre documentaire, fiction critique et exploration de nouveaux imaginaires. Ses recherches artistiques s’articulent autour des notions de représentation, de mémoire et de transmission, dans une perspective féministe, décoloniale et intersectionnelle. Elle s’interroge sur les récits dominants, aspire à donner une voix aux histoires mineures et tente de révéler des contre-récits porteurs de complexité et de sensibilité. Elle souhaite porter une attention particulière à la manière dont les corps, les identités et les héritages culturels sont perçus, instrumentalisés ou effacés. Son travail cherche à créer des espaces troubles, à déconstruire les assignations identitaires et à ouvrir un regard critique, poétique et politique sur l’occident.